Nom de la région

En réaction à "Nous Aussi" ...

Publié le Lundi 18 Mai 2020
Actu envoyée le 18 Mai 2020 - 19:23
En réaction à « nous aussi » lettre contre le sexisme, l'homophobie, et le racisme dans les grandes écoles de commerce,https://www.liberation.fr/debats/2020/01/16/nous-aussi-lettre-contre-le-sexisme-l-homophobie-et-le-racisme-dans-les-grandes-ecoles-de-commerce_1773224, l'un de nos adhérents témoigne et réagit à cette publication.
 
Le sujet est à prendre au sérieux, et nous encourage à construire des partenariats, à réfléchir à des actions, à partager et à échanger auprès des écoles et des entreprises de la région des Pays de la Loire
 
Nous restons disponible pour recueillir votre parole et construire avec vous des actions.
N’hésitez pas à nous contacter.
 
" En janvier 2020, un collectif d’élèves des grandes écoles de commerce françaises publiait une tribune en réaction à l’enquête de Mediapart pour dénoncer les humiliations sexuelles, l’homophobie et le sexisme dans ces écoles et exiger un changement radical : Nous aussi.

Ce nous collectif désigne ces élèves en tous genres victimes et pour beaucoup encore en souffrance. Mais il parle aussi de cette majorité silencieuse, qui dans les grandes écoles, comme dans notre société tout entière, ne voit pas la violence qui est faite, qui est dite, qui est à l’œuvre. Une violence qu’elle ne voit pas ou qu’elle voit mais qui la laisse silencieuse, car les plus bruyants monopolisent la parole, occupent l’espace, se sentent tellement légitimes à imposer leur mode d’action que personne, ni la majorité silencieuse, ni les victimes, personne ne conteste cet ordre établi. Un ordre établi pour eux et par eux, mais un ordre établi aussi par les directions des écoles. Et c’est sans doute là le plus choquant…

Ces grandes écoles à la française sont obsédées par leur classement, leur réputation. Elles sélectionnent la crème de la crème formée dans les classes préparatoires pour la plus grande partie. Elles recrutent les meilleurs, les plus forts, les plus brillants. Elles cultivent leur pépinière de talents, leurs carnets d’adresses, le réseau des alumni. Elles prolongent l’esprit de compétition des prépas, un esprit qui dysfonctionne dans le vase clos des campus. Notons d’ailleurs que ces campus sont tout petits, car les élèves des grandes écoles ont la fâcheuse tendance à vivre en vase clos : les élèves des grandes écoles ne se mélangent pas. Pas entre écoles : les occasions sont rares et toujours tournées vers la compétition au-travers de challenges sportifs par exemple. Et surtout pas avec les universités : les grandes écoles et leurs élèves ne connaissent rien des universités, surtout pas celles et ceux qui les fréquentent. Les élèves des grandes écoles restent entre eux, déracinés après des concours hyper sélectifs, hors sol. Pas tout à fait clonés, mais moulés, formatés. Des produits industriels haut de gamme. Du premium. Que les grands groupes internationaux, les cabinets d’audit s’arrachent et se disputent.

En temps de guerre il peut être utile de recruter et de former des mercenaires ; une telle gestion à court terme nous envoie, à plus long terme, dans le mur. Alors certaines grandes écoles ont pris conscience qu’elles n’étaient plus assez ouvertes dans leur recrutement pour sélectionner l’élite dont notre monde a besoin, et pas seulement les groupes financiarisés et les multinationales. Elles ont mis en place des voies d’accès parallèles pour assurer une certaine diversité. Et ce faisant, pour redorer leur réputation à moindre frais, c’est-à-dire, sans changer dans le fond : les grandes écoles pensent le monde comme un processus darwinien, elles ne parviennent pas à comprendre que c’est la diversité qui crée les conditions d’un rebond après une crise. Diversité des parcours, diversité des façons de penser, diversité des rythmes d’action : voilà ce dont nous avons besoin pour une résilience collective.

Mais si elles ne le comprennent pas, pourquoi s’obstinent-elles quand même à sélectionner à grand frais les meilleurs élèves des classes prépas ou des voies parallèles pour ensuite les casser ou les laisser casser ? Il est tout de même surprenant que les directions de ces grandes écoles ne réagissent pas, persistent à nier l’évidence. Car ne pas agir, c’est déjà nuire quand on est en responsabilité. Car ne par agir c’est déjà nuire puisque nous sommes tous et toutes « des putes, des fiotes,  des nobodes, des chagasses, des gouines, des salopes, des Chinois, des pédés, des moches, des frigides ».  Tous ces mots, et pour certains, je les ai découverts dans cette fameuse tribune, tous ces mots salissent, détruisent. Ceux qui les reçoivent comme autant d’insultes. Ceux qui les entendent. Ceux qui les prononcent.

Aussitôt qu’elles ont connaissance d’agissements répréhensibles par la loi et contraires aux règles du bon management, les directions des écoles doivent sévir, exclure, punir. Elles peuvent employer la force pour cela car elles ont la sagesse sur laquelle s’appuyer, surtout si elles ont su se doter d’une belle équipe enseignante.

C’est un constat : la société change, l’environnement change, le climat change. N’en déplaise à certains. Et la bonne réputation… change de camp : il n’y a qu’à observer ce que le mouvement #MeeToo a provoqué.

Les grandes écoles françaises doivent à leur tour s’adapter si elles veulent continuer à former une élite. Une grande école, digne de cette épithète, doit commencer par faire ce que l’école sait faire : de la pédagogie. Il ne s’agit pas d’être esclave de l’enfant en le laissant faire ses caprices, mais bien de le conduire là où il veut aller : vers l’élite, une élite forcément responsable et exemplaire, sinon, à quoi servirait-elle ?

J’ai été formé il y a bientôt trente ans dans l’une de ces grandes écoles. Oh, pas une « parisienne » : intégrer en bizuth aura été pour moi une chance, celle de m’épanouir dans une école, une vraie. Une école qui accompagnait les élèves dans ce moment crucial de leur vie : la jeunesse.

J’en ai retenu que le management est d’abord la bonne gestion dans le temps des ressources. Un bon étudiant aujourd’hui, un bon collaborateur demain est avant tout bien dans sa peau. Dans sa peau de salarié comme dans sa peau d’individu. Nous vivons dans un monde de l’image et il faut manager aussi son image ? D’accord, mais une « bonne » école n’est pas celle qui assurera seulement une réussite matérielle ou un carnet d’adresses à ses élèves, ou qui sait faire un semblant de LGBTI+-whashing. Une grande école c’est d’abord une école qui veille à la réussite individuelle et collective, pendant les 3 années de formation et au-delà. Car la réputation se construit à l’international et dans la durée…

La direction et les élèves d’Audencia ont noué depuis plusieurs années déjà un partenariat avec L’Autre Cercle Pays de la Loire. Parce qu’ensemble, nous voulons faire bouger les lignes. Nous voulons défendre notre bonne réputation. Nous voulons faire entendre notre voix, pas seulement notre plainte. Nous voulons donner à voir des réussites professionnelles et personnelles, en-dehors des sentiers les plus battus. Ce n’est qu’un début, chacun, chacune en a bien conscience.

Alors, si toutes les grandes écoles et leurs élèves veulent que tout reste pareil, il va falloir que tout change !

AC

Cadre territorial

Diplômé de l’ICN

Membre de L’Autre Cercle depuis 2004 "


Partager cette page Linkedin Twitter Facebook Email Whatsapp